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Fascias : nos alliés de l'ombre

Massothérapie - Auteur : Mathis Couchaux

Lecture 4 minutes


Tu as peut-être déjà eu des douleurs au dos ou ailleurs, mais sans que les examens ne montrent un quelconque problème à ta colonne vertébrale ou à la zone en question. Ou peut-être as-tu des douleurs sous le pied, mais ton thérapeute te traite la nuque et tu n’y comprends rien parce que toi, c’est au pied que tu as mal! Et puis c’est quoi ces adhérences dont ils parlent tous?

Tu as déjà entendu parler de fascia par le passé, mais… concrètement, tu ne sais pas trop ce que ça mange ces petites bêtes-là.


Suis-moi, on va éclaircir tout ça!

Papa, c’est quoi un fascia?

Très simple : un fascia c’est une membrane fibreuse, malléable et élastique présente presque partout dans le corps et totalisant en moyenne 20 kg chez un adulte. Quand bientôt tu pourras à nouveau profiter des premiers barbecues dehors et que tu déballeras ta bonne poitrine de poulet, tu prendras contact avec un beau fascia : cette membrane blanchâtre translucide un peu visqueuse qui entoure ledit morceau de viande! Si cette membrane te dégoûte, sache que les chercheurs ont pendant très longtemps eux aussi sous-estimé ses fonctions en la reléguant au statut de simple enveloppe dont il fallait se débarrasser pour étudier les vraies affaires…

Maintenant, pour comprendre le système de fascia dans sa globalité dans le corps humain, imagine une belle toile d’araignée. Cette toile, fais-la évoluer d’un plan plat en 2D à de multiples plans en 3D.

Tu viens de créer un volume de filaments partant dans toutes les directions, mais interconnectés!

Allons plus loin et visualise que ce volume se connecte à d’autres toiles, elles aussi en 3D. Tu as désormais devant les yeux un vrai réseau de filaments, tous en contact les uns avec les autres.

Donnons à ce réseau le joli nom de matrice. Imagine enfin que tu places toutes les cellules du corps humain, ses muscles, ses os, ses organes et autres à l’intérieur de cette matrice. Ce réseau de filaments enveloppe chaque structure et maintient le tout en place afin d’éviter que tout ne s’effondre.


Maman, ça sert à quoi les fascias?

Revenons à notre toile d’araignée. Minutieusement conçue, elle est parfaitement organisée pour assurer les 4 principales fonctions suivantes :

  1. S’adapter au vent et aux impacts qui la tiraillent et la déforment dans toutes les directions.

  2. Retenir une partie de l’eau de pluie et faire circuler le reste.

  3. Transmettre des messages à qui de droit (les vibrations le long des fils indiquent un bris, la présence d’une proie ou d’un imposteur; les messages chimiques laissés sur les fils permettent la communication entre femelles, mâles et enfants).

  4. Capturer des proies.

Les fascias occupent des fonctions très similaires dans le corps :

  1. D’abord, comme expliqué plus haut, le réseau de fascias stabilise et maintient les structures internes du corps à leur place par un jeu très précis de forces et contre-forces de compressions et de tensions. C’est le principe de tenségrité, bien connu en architecture, qui permet de répartir et d’équilibrer toute contrainte mécanique sur la totalité de la structure et non sur une seule zone bien précise. Comme tu bouges tout le temps (ou presque) et que tu soumets de multiples manières ton corps à la gravité, les fascias sont en mouvement et en réorganisation perpétuels! Et ceci est possible grâce aux fibroblastes, des cellules qui produisent du collagène, qui s’allongent et aident les tissus à se relâcher et qui régulent minute par minute les tensions des tissus conjonctifs. Imagine-les comme des centaines de milliers d’araignées (certainement bien plus) disposées partout dans la matrice et tissant des filaments sur demande!

  2. Les tissus des fascias peuvent être composés de jusqu’à 70 % d’eau afin de permettre aux tissus de bien glisser les uns sur les autres et donc de limiter l’érosion due aux frottements. Ils servent aussi de voie de circulation à l’eau et aux liquides lymphatiques. Un fascia bien humide est un tissu heureux qui est mobile, bien élastique et visqueux. À l’inverse, s’il est peu hydraté, il devient collant et cassant, un peu comme notre poitrine de poulet du début. Si elle est un peu sèche, tu devras tirer sur l’enveloppe pour qu’elle se décolle. Par contre, si la poitrine est bien fraîche et juteuse, pas besoin de tirer dessus, elle sera malléable et bougera beaucoup plus facilement.

  3. Les fascias sont fortement innervés et sont donc en contact direct avec notre système nerveux. Dotés d’innombrables nocicepteurs, les capteurs de la douleur, ils peuvent être des vecteurs bien plus importants que les muscles eux-mêmes dans la transmission de sensations désagréables et de douleurs! Robert Schleip, spécialiste des fascias en Allemagne, a même démontré que ces tissus réagissent fortement aux inflammations et au stress émotionnel. Ainsi, une personne ayant eu un traumatisme ou subissant un niveau élevé de stress verra sa perception de la douleur augmenter.

  4. La proie des fascias est, comme tu l’as déjà deviné, l’eau! Et ils la captent grâce à l’acide hyaluronique, substance en partie synthétisée par les fibroblastes (les araignées). Cet acide est bien connu en cosmétique pour ses propriétés hydratantes, mais aussi en médecine esthétique pour combler les rides. Elle a une structure spongieuse qui lui permet d’absorber efficacement l’eau dont les fascias ont besoin pour rester malléables, élastiques et mobiles. C’est un peu le lubrifiant du tissu conjonctif.


Grand-papa, comment as-tu gardé tes fascias en pleine forme, toi?


Pratiquer une activité physique régulière et dosée est primordial pour maintenir tes fascias souples et en bonne santé. Cela permet de réguler la fabrication de collagène par les fibroblastes, de réorienter ces dernières afin de conserver une matrice efficiente et de renouveler l’acide hyaluronique permettant de conserver une bonne hydratation des fascias. Des analyses de tissus de personnes dont un membre a été immobilisé dans un plâtre pendant trois semaines ont révélé un surdéveloppement de tissus conjonctifs, affectant directement la mobilité globale du membre. Il est donc important d’être actif plutôt que sédentaire et de s’offrir du temps de repos pour permettre la régénération tissulaire essentielle à ton organisme.



L’hydratation est une autre composante cruciale. Comme nous l’avons vu plus haut, une quantité d’eau insuffisante diminue la capacité de glissement des fascias et augmente leur rigidité, ce qui entraîne plus de tensions dans les tissus reliés de la matrice et donc possiblement de l’inconfort et de la douleur.

Toute réduction du stress est aussi déterminante pour la santé de tes fascias! Les exercices de respiration et de pleine conscience sont donc idéaux pour en prendre soin.

Des étirements bien exécutés permettent également de réduire les fibroses et l’inflammation qui nuisent particulièrement à la bonne santé des fascias.

Les massages et autres techniques manuelles sont tout aussi indiqués. Une des techniques les plus efficaces semble être le Rolfing, qui consiste en une pression glissée lente permettant de renouveler les réserves d’eau des fascias et d’avoir une éponge encore plus humide qu’avant et donc des tissus plus mobiles. D’autres techniques permettent de décoller tranquillement les fascias les uns des autres et cela se fait tout en douceur pour une efficacité maximale. Il n’est donc pas nécessaire que ton massothérapeute te torture pour assouplir tes tissus, loin de là.

L’acupuncture semble aussi avoir un effet direct en influençant la polarisation des fascias et donc la manière dont est transmis le signal électrique et donc l’influx nerveux.











Grand-maman, t’en dis quoi de tout ça, toi?

Les fascias sont des tissus encore très méconnus, mais pourtant d’une importance capitale dans le corps humain. De nombreuses recherches sont menées de par le monde pour en savoir plus sur ce formidable réseau tissulaire soutenant notre corps, nos mouvements et notre régénération. Certains parlent de deuxième squelette, d’autres de chaînes de fascias parcourant le corps selon des schémas très spécifiques. Quoi qu’il en soit, nous continuerons de nous passionner pour ces tissus et resterons à l’affût des meilleures méthodes pour les traiter.


RÉFÉRENCES:


Defining the fascial system. Adstrum S, Hedley G, Schleip R, Stecco C, Yucesoy C.A. J Bodyw Movem Ther 21(1):173-177 (2017)


The Lumbodorsal Fascia as a Potential Source of Low Back Pain: A Narrative Review. Wilke J, Schleip R, Klingler W, Stecco C. Biomed Res Int 2017:5349620 (2017)


Anatomy Trains : Myofascial Meridians for Manual and Movement Therapists Thomas W. Myers, (2014)


What is ‘fascia’? A review of different nomenclatures. Schleip R, Jäger H, Klingler W. J Bodyw Mov Ther 16: 496-502 (2012)


A journey in fascia wonderland with Robert Schleip: Bridging the gap between clinicians and scientists AMT eJournal, April (2014)


Fascia as a sensory organ: Clinical applications Schleip R, Terra Rosa Emag No. 20 Fascia as an organ of communication Schleip R. Massage Research, (Jan. 2013)


Physical thoughts about structure: The elasticity of fascia Adjo Zorn PhD


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