Modèle Coopératif - Autrice : Priscillia Ross
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La petite histoire derrière l’invention de l’holacratie
L’holacratie a été conceptualisée par Brian Robertson, un programmeur informatique qui a fondé sa propre compagnie au début des années 2000. Ce modèle organisationnel a été élaboré en réponse aux désavantages perçus des structures plus traditionnelles comme la hiérarchie, mais également en réponse aux désavantages de modèles plus contemporains comme le pluralisme (parfois appelé sociocratie), un modèle basé sur le consensus et l’égalité entre les membres.
En fait, prenons en exemple quelques modèles, leurs avantages et leurs inconvénients :
1) Le modèle conformiste (ex.: armée, institutions religieuses)
Ce modèle présente plusieurs avantages, tels que la structure qui reste stable dans le temps et les processus toujours très rigides et donc prévisibles, reproductibles. Néanmoins, dans ces organisations, l’adaptation aux changements extérieurs peut être plus difficile, car cela peut être perçu en opposition au respect des traditions. De plus, les opportunités d’avancement peuvent être limitées pour les membres de rôles dits «inférieurs».
2) Le modèle corporatif (ex.: hiérarchie en forme de pyramide; vue chez les grandes entreprises avec un président, des vice-présidents, des chefs de département, etc.)
Ce modèle populaire est très présent dans le monde des affaires depuis plusieurs décennies, notamment pour ses avantages séduisants : la quête insatiable de l’amélioration, du progrès et de l’innovation permettent aux entreprises qui l’adoptent de s’adapter au monde extérieur et d’y saisir les opportunités d’affaires. De plus, on y cultive la notion de «méritocratie», où l’ardeur au travail permet de gravir les échelons. On entend par là le classique «American Dream». Le hic, c’est que ce système étant basé sur la croissance financière avant tout, les employés peuvent avoir l’impression d’être un «numéro» et les actions prises par les entreprises peuvent ne pas être toujours écologiques, éthiques ou dans une optique de développement durable.
3) Le modèle pluraliste ou sociocrate (ex.: certains organismes à but non lucratif, où l’on cherche le consensus des membres pour avancer)
Ce modèle a pour avantage de favoriser le sentiment d’appartenance des employés et de partager le pouvoir entre les différents membres (ce qu’on peut résumer par «l’empowerment»). Aussi, les valeurs communautaires et éthiques priment par rapport à la recherche du gain économique. Cependant, puisque le pouvoir est basé sur le consensus, il se peut que la prise décisionnelle soit paralysée par une poignée d’individus. Ce peut être très drainant et mener à des stratégies de politique et d’influence en dehors des canaux de communication principaux.
Retournons maintenant à l’holacratie. Selon l’Office québécois de la langue française, il s’agit d’un «mode de gouvernance qui recourt au principe d'intelligence collective et dont la structure, non hiérarchisée, se compose d'équipes reliées entre elles par des objectifs communs et détenant chacune la pleine autorité dans ses champs d'expertise.» Autrement dit, et c’est ce qui m’a charmé dans ce modèle : on est parfois le patron, on est parfois l’employé, et on est parfois les deux en même temps! Ce faisant, les compétences et préférences de chacun des employés indépendamment du rôle traditionnellement associé à leur profession sont mises à profit, notamment en permettant à tout employé de soumettre ses idées afin d’optimiser le développement de l’entreprise. Cela permet à un maximum de membres de prendre des décisions et de véhiculer les valeurs de la coopérative dans leurs tâches quotidiennes.
Les valeurs en holacratie
1) L’autogestion
Dans un modèle hiérarchique standard, on retrouve une structure de type pyramidale avec une prise de décision par quelques dirigeants au sommet et le plus gros du travail effectué par les gens à la base de la pyramide. Dans un modèle holacratique, la structure est plus horizontale, car le pouvoir décisionnel et le travail à effectuer sont répartis entre les membres du personnel. La notion de patron-décideur et d’employé-exécuteur ne peut s’y appliquer puisque chacun prend une partie des décisions et y exécute une partie du travail.
[Insérer ici une image de cercles interdépendants ?]
2) L’entièreté
L’holacratie reconnaît que les gens au travail ne devraient pas avoir à afficher une personnalité professionnelle différente de leur personnalité globale. Cela implique que le milieu de travail doit favoriser le bien-être des membres et leur épanouissement, et ce, sans se limiter à leurs ambitions professionnelles.
3) L’évolution
Dans les entreprises promouvant l’holacratie, on croit que le développement de l’entreprise ne se planifie pas en tentant de contrôler ou prédire le futur. Il faut plutôt voir l'évolution comme une tendance de nature autonome. Il faut donc favoriser l’écoute et l’adaptation à cette tendance par les membres afin que les opportunités qui se présentent à l’organisation soient saisies.
L’holacratie chez Activcoop
À la coop, ce changement organisationnel s’est opéré graduellement à partir de 2018. Nous avons créé des comités, chacun responsable d’une sphère en particulier de l’entreprise, afin de couvrir les tâches inhérentes au bon fonctionnement de la coopérative. Les membres de la coop se partagent les postes au sein des comités en fonction de leurs aptitudes, leurs préférences et leur disponibilité.
Voici nos comités actifs :
Comptabilité
Culture et organisation (ce que d’autres appelleraient “les RH”, mais c’est encore plus que ça !)
Développement et relations d’affaires
Engagement communautaire
Gestion clinique
Marketing
Bien-être collectif (ce que d’autres appelleraient le “comité Social”, mais fidèles à notre habitude, c’est bien plus que ça !)
Dans mon cas, j’ai joint les comités Comptabilité et Culture et organisation (alors que je suis diététiste de formation). Depuis, j’ai eu la chance de tremper dans plusieurs dossiers comme les assurances collectives offertes aux employés, le modèle salarial au sein de la coopérative, la gestion budgétaire, etc. Dans une entreprise hiérarchique habituelle, je n’aurais pas eu la chance de m’impliquer et même de décider des façons de faire dans ce genre de dossier ! Personnellement, cela m’a permis non seulement de développer de nouvelles compétences, mais aussi de prendre des décisions qui influencent mes conditions de travail et celles de mes collègues afin que mon milieu de travail soit le plus juste, le plus accueillant et le plus chaleureux possible !
Pour ce qui est de mes collègues dans les autres comités, ils font de même : ils mettent en place des façons de faire pour que je puisse profiter des retombées de leur travail. Par exemple, mes collègues en Marketing ont créé une image de marque, un site web, un visuel, ce blogue (!), etc. qui permettent à des clients de connaître la clinique et de solliciter mes services. Je suis fière de leur travail… et je suis contente qu’ils l’aient fait pour moi, de la même façon qu’ils sont contents que d’autres qu’eux gèrent la paie (en l'occurrence le comité Comptabilité) !
Mon expérience personnelle traduit bien l’essence de l’holacratie, où le partage du pouvoir décisionnel en petits groupes permet de se sentir individuellement autonome, engagé et responsable du succès de la coopérative, en plus de prendre des décisions qui rencontreront les intérêts du plus grand nombre et développer notre relation de confiance à l’égard de nos collègues.
Références :
Laloux, F. Reinventing Organizations, Éditions Nelson Parker, 2016
http://gdt.oqlf.gouv.qc.ca/ficheOqlf.aspx?Id_Fiche=26545029
https://www.journaldemontreal.com/2019/04/05/une-entreprise-sans-boss-ni-hierarchie-geree-par-les-employes
https://www.revuegestion.ca/l-holacratie-ou-etre-mieux-servi-par-soi-meme
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